Officier dans les troupes de la Marine, nait à Québec le 7 février 1727, fils d’Henri-Louis Deschamps* de Boishébert et de Louise-Geneviève de Ramezay : il épouse le 7 septembre 1760, à Cliponville (dép. de la Seine-Maritime, France), sa cousine Charlotte-Élisabeth-Antoinette Deschamps de Boishébert et de Raffetot, avec laquelle il un fils ;
Il décède le 9 janvier 1797 à Raffetot, où il s’est retiré après s’être illustré en Nouvelle France (Canada et Acadie) dans la lutte contre les anglais, en appliquant les principes de la guérilla,.
Charles Deschamps de Boishébert entre tôt dans la carrière des armes. Son nom apparaît sur une liste de cadets à l’aiguillette du 1er octobre 1739, avec la mention : « jeune homme qui promet beaucoup, fort sage ». En 1742, il intègre la garnison de Québec comme sous-aide-major. Il participe, au cours des années 1744 et 1745, à plusieurs expéditions aux frontières de la colonie de New York.
La présence des Britanniques en Acadie, s’étant accrue depuis la prise de Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton en 1745, un corps d’armée de quelque 700 soldats appuyés d’Indiens quitte Québec pour l’Acadie en juin 1746, sous le commandement de Jean-Baptiste-Nicolas-Roch de Ramezay.
Une fois rendu, Ramezay apprenant la présence de Britanniques à Port-La-Joie (Fort Amherst, Île-du-Prince-Édouard) envoie Boishébert en reconnaissance.
Celui-ci fait état, dans son rapport, de deux vaisseaux britanniques et de 200 hommes de troupe. Un parti composé de Micmacs et de quelques jeunes officiers, dont Boishébert, sous les ordres de Joseph-Michel Legardeur de Croisille et de Montessori, se rend à Port-La-Joie pour y attaquer l’ennemi.
En octobre et jusqu’au 3 novembre, il participe au siège infructueux d’Annapolis Royal (Nouvelle-Écosse), le quartier général de l’administration et de l’armée britanniques en Acadie.
Pendant l’hiver, Ramezay prépare l’expédition contre les troupes stationnées à Grand-Pré sous les ordres d’Arthur Noble*.
Boishébert est blessé, au cours de la bataille, le 11 février 1747, Il retourne à Québec avec le reste des troupes, à la suite de cette victoire. Il obtient, en août, le commandement d’un navire parlementaire en partance pour Gaspé, où il doit procéder à un échange de prisonniers avec les Britanniques.
De retour à Québec, il est promu lieutenant le 28 février 1748, il est bientôt mêlé aux opérations dans une autre partie de la Nouvelle-France.
Depuis l’année précédente, on craint un soulèvement général des Indiens [V. Orontony*] ; au printemps de 1748, Boishébert fait partie des renforts qui, sous le commandement de Pierre-Joseph Céloron* de Blainville, sont dépêchés à Détroit, particulièrement menacée. Il participe à une expédition punitive contre les Indiens, responsables de plusieurs attaques contre les Français des environs.
Il revient en Acadie en 1749, au moment où la question des limites territoriales de cette région, en suspens depuis 1713 prend une tournure nouvelle : la France a décidé de fixer les limites de l’Acadie à la rivière Missaguash [V. Le Loutre].
On envoie donc Boishébert à l’embouchure de la rivière Saint-Jean pour faire opposition à toute tentative d’établissement de la part des Britanniques.
Une vive discussion s’engage aussitôt après son arrivée : John Rous*, l’officier naval supérieur de la station britannique de la Nouvelle-Écosse, arrive, réclamant pour les Britanniques l’embouchure de la Saint-Jean.
Boishébert, néanmoins, reste ferme sur ses positions, il rétablit le fort Menagouèche (Saint-Jean, Nouveau-Brunswick) et, déguisé en pêcheur, parcourt les côtes de l’Acadie afin d’évaluer le degré de fidélité des Acadiens envers la France.
En 1751, le gouverneur La Jonquière [Taffanel*] honore Boishébert en le chargeant de porter en France les dépêches officielles ; à la cour, on le gratifie de 2 000 Ecus. De retour au Canada l’année suivante, il intervient une fois de plus dans l’Ouest.
Pour contrecarrer la menace d’une expansion britannique dans la vallée de l’Ohio, le gouverneur Duquesne décide de relier le lac Érié à l’Ohio par une série de forts. Boishébert, que le gouverneur décrit comme « un officier d’un grand zèle et fort méritant », commande un détachement d’avant-garde qui part de Montréal en février 1753, chargé des préparatifs en vue de l’arrivée du gros des troupes. Il met pied à terre à Presqu’île (Erie, Pennsylvanie) au début de mai 1753 et, passe l’été dans la région, sous les ordres de Paul Marin* de La Malgue, commandant de l’expédition. Le 28 août, il a en charge le fort de la rivière au Bœuf (Waterford, Pennsylvanie), mais ne conserve que peu de temps cette affectation.
À la fin de l’automne, Boishébert est de retour à Québec ; en 1754, il repart pour l’Acadie, avec le titre de commandant du fort La Tour, à l’embouchure de la rivière Saint-Jean, où il s’emploie à contrecarrer les efforts persistants des Britanniques pour s’établir dans cette région.
Il fait également une étude des havres situés entre l’Acadie et Boston. La prise du fort Beauséjour (près de Sackville, Nouveau-Brunswick), le 16 juin 1755, par les forces britanniques aux ordres de Monckton, marque un tournant dans la carrière de Boishébert. Immédiatement après la chute du fort, le commandant britannique envoie un détachement important contre la poignée de miliciens du fort La Tour. N’ayant aucun espoir de s’en sortir, Boishébert fait brûler le fort avant l’arrivée de l’ennemi et se retire parmi les colons du district, tout en continuant de combattre.
Par la suite, en Acadie, il s’emploie à assurer à la France la fidélité des Acadiens, à ramener en territoire français le plus grand nombre possible de ceux qui se trouvaient dans les régions occupées par les Britanniques, et à mener contre l’ennemi une guérilla constante, avec l’aide des Indiens.
Peu après la prise du fort Beauséjour, Boishébert a vent de l’intention des Britanniques d’attaquer les villages de Chipoudy (Shepody), de Petitcodiac et de Memramcook ; il part immédiatement pour Chipoudy, mais arrive trop tard pour empêcher la destruction du village. Toutefois, le 3 septembre 1755, il affronte un détachement britannique à Petitcodiac. Après trois heures d’une lutte acharnée, au cours de laquelle ils subissent des pertes nombreuses, les Britanniques prennent la fuite.
Boishébert, qui avait perdu un seul homme, revient à la rivière Saint-Jean avec 30 des familles les plus miséreuses.
Afin de prévenir toute idée de vengeance de la part des Britanniques à l’endroit des Acadiens, Boishébert envoie dans la région de Petitcodiac son lieutenant, François Boucher de Niverville (Nebourvele) Grandpré. Cet officier doit aussi empêcher tout transport de vivres ou de munitions entre la région du fort Beauséjour et la Baie-Verte. Entre-temps, Boishébert se rend lui-même à Memramcook afin de repousser les Britanniques, s’ils tentent d’y débarquer. Il passe une partie de l’hiver de 1755–1756 à Cocagne. Le 24 janvier, il est surpris dans une embuscade britannique, près de cet endroit, mais réussit à s’en sortir sans pertes. Le 17 mars 1756, il est promu capitaine.
La vigilance constante de Boishébert sur ces établissements français montre bien qu’il veut s’opposer à tout prix à de nouvelles déportations systématiques des Acadiens par les Britanniques.
Déjà, on avait déporté les habitants de la région de Tintemarre (Tantramar), d’où Boishébert avait vainement tenté d’évacuer les familles les plus misérables. Son action dans ce domaine est limitée par la rareté des vivres qui, de 1756 à 1758, coïncide avec une période de misère pour la majorité des Acadiens. La position de Boishébert est de plus compliquée par l’avance constante de l’ennemi.
D’après les indications de certains prisonniers amenés à Québec, un détachement permanent de 1000 hommes se trouve au fort Cumberland (ancien fort Beauséjour), un de 150 dans la région de Baie-Verte, et un autre de 150 au fort Lawrence (près d’Amherst, Nouvelle-Écosse). Dans des conditions fort difficiles, Boishébert se maintient néanmoins sur la rivière Saint-Jean. Il entreprend même, le 12 octobre 1756, une expédition contre le fort Monckton (ancien fort Gaspereau, près de Port Elgin, Nouveau-Brunswick), mais l’ennemi fait brûler et évacuer le fort avant son arrivée. En janvier 1757, il arrive sur la rivière Miramichi et y établit son quartier général et un lieu de refuge pour les Acadiens. Avec l’aide du père Charles Germain, il tente d’entretenir la résistance des Acadiens face aux Britanniques.
Boishébert a l’ordre de se porter, si nécessaire, à l’aide de Louisbourg ; en 1757, les rumeurs d’une attaque projetée des Britanniques contre la forteresse amènent Augustin de Boschenry* de Drucour, gouverneur de l’île Royale, à l’y mander. L’attaque prévue n’a pas lieu, et Boishébert se retire à Québec, où il passe l’hiver. Il doit partir pour Louisbourg tôt au printemps de 1758, mais remet son départ jusqu’aux premiers jours de mai. « Boishébert parti trop tard, s’amuse sans doute encore à faire sa traite à Miramichi » prédit Bougainville*. Il n’existe aucune preuve permettant de croire que Boishébert se soit livré à la traite, mais il arrive effectivement trop tard. Au moment où il groupe une petite troupe d’Acadiens et d’Indiens et atteint Louisbourg, on est au début de juillet, et les Britanniques ont débarqué un mois plus tôt.
Il s’installe à Miré (Mira), au nord de la forteresse, d’où, espère-t-on, il lancera des raids contre les lignes de l’assiégeant britannique. L’efficacité de ses interventions est réduite, à cause surtout du manque de munitions et de vivres, du nombre restreint de soldats sous son commandement et de la mauvaise condition physique de ses troupes.
Une partie des Indiens et des Acadiens désertent ; il ne lui reste guère que 140 soldats en état de se battre. Dans une situation aussi précaire, Boishébert ne réussit qu’à tuer un Britannique, à faire un prisonnier et à brûler un poste de garde.
Drucour et l’abbé Pierre Maillard*, qui faisait partie de l’expédition, lui reprochent son inaction ;
Maillard écrit par la suite que Boishébert a été « protégé et favorisé plus que personne dès ses plus tendres années, pour aller commander dans des postes où il y avait plus à s’enrichir par le commerce qu’à s’illustrer par des faits militaires ».
Boishébert, qui avait été fait chevalier de Saint-Louis plus tôt la même année, est conscient qu’on attendait de lui un plus grand effort dans l’expédition.
Après la chute de Louisbourg, le 26 juillet, Boishébert se retire, poursuivi par l’ennemi. Il ramène de la région de Port-Toulouse (St Peters, Nouvelle-Écosse) un nombre considérable d’Acadiens, afin d’assurer leur sécurité dans son poste de la rivière Miramichi.
Le 13 août 1758, il partit de Miramichi avec 400 soldats à destination du fort St George (Thomaston, Maine). Arrivé le 9 septembre, son détachement est pris dans une embuscade et doit se retirer. C’est, pour Boishébert, une de ses dernières expédition en Acadie.
À l’automne, il part pour Québec, Montcalm*, qui n’aimait pas Boishébert, écrit à Lévis : « il a gagné cent mille écus la dernière campagne » et, se laissant aller à son penchant pour le commérage, il ajoutait : « je crois qu’il prodigue à qui vous savez sa jeunesse et sa bourse ».
Boishébert participe, avec un corps de volontaires acadiens, à la défense de Québec à l’été de 1759, de même qu’à la bataille décisive des plaines d’Abraham. À l’hiver, il revient une dernière fois en Acadie, afin d’y trouver des renforts pour la défense du Canada et d’y refaire le moral des Acadiens découragés. Apprenant, à son arrivée, que certains missionnaires, dont les abbés Jean Manach* et Pierre Maillard, avaient encouragé les Acadiens à se soumettre aux Britanniques, Boishébert combat cette attitude et reproche vivement aux missionnaires leur lâcheté envers la mère patrie.
Après la chute du Canada, en 1760, Boishébert retourne en France. Accusé d’avoir participé aux complots de l’intendant Bigot, il est peu après emprisonné à la Bastille. On prétend qu’il avait tiré un profit personnel des achats de vivres faits à Québec en faveur des Acadiens dans le besoin. Après 15 mois d’emprisonnement, il est acquitté.
Boishébert participe, en 1763, à l’élaboration de projets visant à établir les Acadiens à Cayenne (Guyane française) et tente vainement d’y obtenir un poste militaire.
En 1774, on rejette sa requête pour un poste d’inspecteur des troupes des colonies.
Sa seigneurie canadienne de La Bouteillerie, aussi connue sous le nom de Rivière-Ouelle, est vendue cette année-là. Jusqu’à sa mort, survenue le 9 janvier 1797, il vécut en France, à Raffetot, un domaine acquis par son mariage, dont il est élu maire de 1790 à 1791.
(Sources Phyllis E. LeBlanc)